Perspectives conjoncturelles

Sept thèmes macroéconomiques pour 2020

Si les perspectives de l’économie mondiale se sont améliorées au cours des trois derniers mois, sa capacité de résistance face à une récession a sans doute diminué. Voici sept thèmes macroéconomiques à prendre en compte pour 2020 et leurs implications pour les investisseurs.

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Tandis que s’achève une année agitée pour la politique, l’économie et les marchés financiers mondiaux, nous nous penchons sur 2020 pour tenter de discerner les tendances probables et les obstacles potentiels qui façonneront l’économie et orienteront les investissements. Ces perspectives s’appuient sur le travail de préparation effectué par les gérants de portefeuilles, les économistes et les analystes de PIMCO dans le cadre de notre Forum cyclique trimestriel, les débats entre nos professionnels de l’investissement lors de cet événement, les présentations de nos spécialistes sectoriels au cours des deux jours suivants consacrés à la stratégie, et les conclusions que notre comité d’investissement en a tirées. (Pour plus d’informations sur notre processus, veuillez consulter l’encadré À propos de nos Forums, et vous rendre sur la page Notre processus à l’adresse : pimco.fr.)

L’an dernier, il fallait avoir le cœur bien accroché. La croissance mondiale a « ralenti de manière synchronisée » et une période de « navigation en eaux troubles » s’est ouverte dans un contexte assombri par l’incertitude liée au conflit sino-américain et au Brexit, des événements météorologiques extrêmes survenus à travers le monde ont fait passer le changement climatique sur le devant de la scène et des manifestations contre l’establishment politique ont éclaté à Hong Kong, au Liban, au Chili, en Équateur et dans de nombreux autres lieux. Pourtant, stimulées par l’assouplissement monétaire mondial entraîné par le virage accommodant de la Réserve fédérale américaine au début de 2019, tant les actions que les obligations ont enregistré des rendements impressionnants sur l'année.

Nous n’avons pas la prétention de prédire ce que 2020 nous réserve en termes d’économie, de politique et de marchés. Personne ne le peut. Mais pour investir, nous devons combiner notre processus bottom-up rigoureux de construction de portefeuille avec une analyse éclairée des hypothèses les plus probables et, surtout, à travers le prisme des risques et opportunités associés à ces hypothèses, par comparaison à ce qui est anticipé par les marchés. C’est pourquoi, lors de nos forums trimestriels, nous consacrons beaucoup de temps à élaborer différents scénarios à l’aide de données, de modèles, et d'examens pre-mortem (comme le recommande Richard Thaler, lauréat du Prix Nobel et conseiller de PIMCO) afin d’évaluer nos biais, remettre en question nos opinions et celles des autres et générer des idées d’investissement qui nous aiderons à gérer les risques et à identifier les meilleures opportunités.

Sept thèmes macroéconomiques pour 2020

Sur la base des discussions qui ont eu lieu pendant et après le forum du mois dernier, voici nos principaux thèmes macroéconomiques pour 2020 et comment nous positionnons nos portefeuilles en conséquence.

1. LA RÉCESSION S’ÉLOIGNE

Les risques de récession, qui étaient encore élevés l'été dernier, ont diminué ces derniers mois à la faveur d’un nouvel assouplissement monétaire généralisé, d’une trêve commerciale entre les États-Unis et la Chine, de la probabilité plus élevée d'assister à un Brexit organisé et des premiers signes d’un rebond des indices mondiaux des directeurs d’achat (PMI). Ce contexte est corroboré par une diminution des probabilités de récession à 12 mois pour les États-Unis, estimée par nos différents modèles.

De ce fait, nous sommes désormais plus confiants dans notre scénario de base selon lequel la fenêtre actuelle de fragilité de la croissance mondiale fera place à une reprise modérée en 2020. La croissance du PIB mondial, qui ralentit depuis deux ans, n'a pas encore atteint son plancher. Toutefois, l’indice PIMCO des conditions financières mondiales, qui tend à anticiper la croissance de la production, a augmenté au cours des derniers mois, laissant présager le retour d’une croissance cyclique modérée en cours d'année. (Voir la Figure 1).

Figure 1: Global financial conditions suggest moderate global growth recovery in 2020 

L’orientation favorable de la politique budgétaire de grandes économies telles que la Chine, l’Europe et le Japon constitue également un facteur annonciateur d’une reprise probable de la croissance mondiale cette année. Les politiques budgétaire et monétaire de presque toutes les grandes économies étant désormais orientées dans le même sens – un nouvel assouplissement – les perspectives d’expansion économique soutenue sur la durée de notre horizon cyclique se sont améliorées. La section sur nos prévisions régionales (voir plus loin) illustre nos perspectives économiques pour les principales économies.

Implications du thème 1 pour les investissements

Nous prévoyons de réduire légèrement la sensibilité aux taux de nos portefeuilles avec, comme point de départ, un niveau proche de la neutralité qui sera ensuite ajusté en fonction de l’équilibre des positions à risque dans le portefeuille. Notre scénario de base plaide en faveur d'une approche constructive assortie d'un portage positif par rapport aux indices de référence afin de chercher à générer des revenus et à surperformer. Mais nous allons procéder ainsi en privilégiant les positions de qualité supérieure, la liquidité du portefeuille et une approche diversifiée de la génération de revenus. Nous préférons ne pas trop nous exposer à la dette d'entreprise générique, au vu des inquiétudes entourant les valorisations, la liquidité du marché et le risque de mauvaises performances dans un contexte macroéconomique qui serait moins bon qu'attendu – ou encore dans l’éventualité d’une d’augmentation généralisée de la volatilité sur les marchés, auquel cas les investisseurs exigeraient une prime de risque plus élevée pour investir dans la dette corporate. Nous comptons dès lors privilégier les émetteurs financiers au détriment de l'industrie. Au sein des portefeuilles d’allocation d’actifs, nous pensons surpondérer légèrement les actions dès lors que la croissance des bénéfices devrait être au rendez-vous malgré des valorisations relativement élevées.

2. MAIS LES PERTES SERAIENT PLUS ÉLEVÉES EN CAS DE RÉCESSION

La Fed et d’autres grandes banques centrales ont permis une poursuite de l’expansion mondiale en multipliant les mesures de relance en réponse à l’augmentation des risques de récession. Toutefois, cet assouplissement de la politique monétaire a un prix. Lorsque le prochain ralentissement économique ou un important repli des actifs à risque se produira, la marge de manœuvre des politiques en sera réduite d’autant, ce qui limitera leur capacité à lutter contre les futures récessions. Ainsi donc, si l’assouplissement de la politique monétaire consenti au cours des douze derniers mois a éloigné le spectre d’une récession, il a également accru la potentialité et l’ampleur des pertes en cas de récession.

Il ne s’agit pourtant pas de critiquer les mesures d’assouplissement adoptées par les banques centrales. Thésauriser plutôt que de recourir aux outils monétaires n’est généralement pas la solution la plus efficace pour lutter contre l’augmentation des risques de récession ou de déflation. Mieux vaut les étouffer dans l'œuf en prenant des mesures drastiques et préventives dès leur apparition. C’est ce que la Fed et la Banque centrale européenne (BCE) ont tenté de faire en réponse à la montée des risques et des incertitudes et les premiers résultats indiquent qu’elles sont parvenues à leurs fins. Mais continuer à abaisser les taux jusqu'à la limite réduit inévitablement la marge de manœuvre pour des interventions futures.

Si une nouvelle récession se profile à l’horizon et que les autorités monétaires n'ont plus aucune marge de manœuvre, elles peuvent (doivent) prendre des mesures de politique budgétaire pour sauver la situation. Après tout, des taux d'intérêt bas conjugués à la capacité et la volonté des banques centrales d'acheter (davantage) d'obligations d'Etat, étendent la marge de manœuvre budgétaire des gouvernements. En théorie, nous adhérons à l'idée que la politique budgétaire est susceptible de devenir plus proactive à l'avenir et la soutenons d'ailleurs depuis un certain temps. Dans la pratique, toutefois, il est peu probable que les gouvernements et les élus soient en mesure de diagnostiquer les risques de récession suffisamment tôt. Même si c'était le cas, ils auraient toutes les peines du monde à mettre en œuvre un assouplissement budgétaire à temps pour prévenir une récession, étant donné la lenteur qui caractérise généralement les processus politiques. Voilà pourquoi les banques centrales seront toujours les premières à intervenir en cas de crise, mais donc avec une marge de manœuvre réduite.

L'assouplissement monétaire des douze derniers mois peut également creuser les pertes en cas de récession d'une autre manière : une période prolongée d'expansion et de taux encore plus bas conjuguée à un assouplissement quantitatif sans fin de la part des banques centrales incite les entreprises et les ménages à accroître leur endettement, ce qui pourrait se retourner contre eux, et leurs créanciers, lors du prochain ralentissement.

Implications du thème 2 pour les investissements

Nous aurons tendance à privilégier la sensibilité aux taux américaine plutôt que les alternatives mondiales, étant donné la valeur relative et le potentiel d'appréciation des bons du Trésor américain et la possibilité d’un nouvel assouplissement de la Fed si l'économie n'affiche pas la santé escomptée. Globalement neutres sur le dollar américain par rapport aux autres devises du G-10, nous préférerons généralement les positions longues en yens dans les comptes où l’exposition aux devises fait du sens afin de tirer parti de ce qui nous apparaît comme une devise à la fois bon marché et peu risquée. Une position longue en yens peut par ailleurs servir d'exposition de substitution à la sensibilité. S'agissant de la dette corporate, et notre positionnement globalement prudent vis-à-vis du risque de crédit générique, nous privilégierons les expositions de courte échéance des émetteurs qui « plient mais ne rompent pas » et peu susceptibles de faire défaut. Nous sommes, en effet, particulièrement prudents vis-à-vis de cette classe d'actifs à ce stade du cycle de crédit.

3. DES FAILLES POTENTIELLES DANS LE CYCLE DE CRÉDIT

Dans le cadre de notre forum et suite à la suggestion de Richard Thaler, nous avons procédé à quelques exercices pre-mortem, analyses rétrospectives-prospectives visant à modérer la pensée de groupe et l’excès de confiance dans un scénario de base déterminé. Pour l’un de ces exercices, nous avons demandé à notre équipe américaine de supposer que l’économie entre en récession en 2020 et d’expliquer de manière plausible pourquoi et comment cela est arrivé. L'équipe s’est concentrée sur les faiblesses des segments les plus risqués de la dette corporate qui pourraient aggraver un nouveau ralentissement de la croissance et le transformer en récession. L’histoire se déroule comme suit :

En 2017 et 2018, en partie à cause d'une augmentation notable des prêts non bancaires aux petites et moyennes entreprises américaines qui ne pouvaient pas obtenir de crédit auprès des banques, la dynamique du crédit aux entreprises (c'est-à-dire la variation des flux de crédit, qui est fortement corrélée à la croissance du PIB - voir la Figure 2) s'est accélérée de façon spectaculaire. Ces entreprises ont bénéficié de la forte croissance mondiale et des mesures de relance budgétaire aux États-Unis et ont été à l'origine de l'accélération de la croissance de l'emploi dans le secteur privé. Mais en 2019 la croissance du PIB est passée de 3 % à 2 % et l’activité de crédit privé s’est interrompue. De plus, les banques ont durci leurs conditions de prêts commerciaux et industriels.

Figure 2: Sharp slowing of credit impulse suggests near-term downside risks to U.S. economic growth

D’après les chiffres de la Réserve fédérale, le marché du crédit privé pèse environ 2 000 milliards de dollars, soit 9 % du PIB américain. Un ralentissement de ce moteur de croissance du crédit semble par conséquent gérable dans un environnement caractérisé par un marché du travail et une consommation des ménages robustes. En revanche, si la croissance continue de ralentir en 2020 au lieu de se redresser en cours d’année comme dans notre scénario de base, les segments les plus risqués du marché du crédit seraient vulnérables. Le crédit privé, les prêts à effet de levier et la dette à haut rendement sont concentrés dans des entreprises très cycliques et présentant un profil de crédit plus risqué. Par ailleurs, malgré de solides fonds propres, l'évolution de la réglementation suite à la crise incite les banques à rationner le crédit lorsqu'un ralentissement se profile à l'horizon. Les prêts spéculatifs représentant actuellement environ 35 % du PIB, les tensions dans ces secteurs seraient plus que suffisantes pour contribuer à une récession.

Encore une fois, notre scénario de base table sur un redressement de la croissance en 2020. L’« accélérateur financier » ne se déclencherait donc pas et n'entraînerait pas un cycle de défaillances et une récession (notons que l'expression a été introduite par Ben Bernanke, conseiller de PIMCO, et ses co-auteurs en 1996). Cette fragilité du crédit aux entreprises mérite néanmoins une attention particulière, surtout si la croissance devait être inférieure à nos attentes et s’écarter des prévisions du consensus cette année.

Implications du thème 3 pour les investissements

Ce thème renforce les arguments en faveur d’une position défensive à l'égard de la dette corporate générique. S'agissant des portefeuilles axés sur l’allocation d’actifs, nous chercherons en outre à surpondérer les grandes capitalisations par rapport aux petites valeurs.

4. « HOME SWEET HOME »

Nous nous attendons à ce que le marché du logement soutienne l’économie américaine cette année et au-delà. À la suite de la baisse des taux hypothécaires en 2019, les ratios achat/location et remboursement/revenus ont retrouvé leurs niveaux de novembre 2016. De plus, les exigences liées au profil de crédit des ménages candidats à un emprunt hypothécaire se sont assouplies.

Parallèlement, l'excédent de logements construits avant la crise a finalement été absorbé (voir la Figure 3) et les États-Unis doivent à présent faire face à une raréfaction généralisée de l'offre. Le nombre de logements vacants et les stocks sont à leur plus bas niveau depuis 2000, tandis que le taux de formation de ménages se redresse à nouveau, plaidant pour une augmentation des investissements nécessaires à la croissance du parc immobilier. Notre équipe spécialisée dans le crédit hypothécaire prévoit une appréciation de quelque 6 % des prix des logements aux États-Unis au cours des deux prochaines années.

Figure 3: The excess homes built before the financial crisis have finally been absorbed

Implications du thème 4 pour les investissements

Nous privilégions les expositions à des titres adossés à des crédits hypothécaires, émis ou non par des agences américaines. Nous pensons qu'ils offrent une valorisation attrayante, un portage raisonnable et un profil de liquidité attrayant par rapport aux autres actifs à spread. Les prêts hypothécaires non émis par des agences nous apparaissent relativement bon marché et constituent une source de crédit et de portage plus défensive. Ils présentent en outre de meilleurs facteurs techniques que la dette corporate générique. Nous chercherons également à nous exposer à une sélection de MBS commerciaux (CMBS). Les MBS résidentiels (RMBS) britanniques semblent également attrayants en termes relatifs.

5. LES ÉTATS-UNIS À LA TRAÎNE DU RESTE DU MONDE

De la même manière que le cycle américain a pris du retard par rapport au cycle mondial en 2018 et 2019, l'économie américaine ralentissant plus tard et dans des proportions moins importantes que le reste du monde, nous nous attendons à ce que l'économie mondiale rebondisse plus rapidement que l'économie américaine.

Des signes de reprise ont déjà commencé à se manifester à la fin de l'année dernière dans les PMI mondiaux, en particulier dans les pays émergents, et dans d'autres enquêtes de conjoncture qui reflètent l'évolution du commerce mondial et de l'industrie manufacturière, comme l'enquête Ifo allemande. Parallèlement, aux États-Unis, nos indicateurs avancés suggèrent que la croissance du PIB pourrait encore ralentir pour atteindre environ 1 % en rythme annuel au premier semestre de cette année avant de se redresser (Figure 4). De plus, une éventuelle réduction temporaire de la production dans l'aéronautique U.S. pourrait encore retrancher 0,5 % à la croissance du PIB annualisé au premier trimestre, même si ce fléchissement pourrait être gommé en grande partie si la production reprend au deuxième trimestre, comme on s'y attend généralement.

Figure 4: We expect U.S. GDP growth to slow further before picking up later this year

Un autre facteur pourrait freiner la croissance et l’optimisme des investisseurs aux États-Unis cette année : l’incertitude politique grandissante avant les élections, surtout si les candidats démocrates progressistes favorables à une forte fiscalité et à une réglementation stricte gagnent du terrain aux primaires. Cette éventualité pèserait très probablement sur le climat des affaires et les dépenses d’investissement et pourrait conduire à un resserrement des conditions financières engendré par un affaissement des rendements boursiers attendus.

Globalement, le rythme de la croissance aux États-Unis pourrait être inférieur à celui de la croissance mondiale, du moins pendant un certain temps au cours du premier semestre de 2020.

Implications du thème 5 pour les investissements

Nous privilégierons probablement la sensibilité aux taux américaine au détriment d’autres sources de sensibilité ailleurs dans le monde. S'agissant de notre stratégie de change, nous pensons surpondérer un panier de devises émergentes par rapport au dollar américain et à l’euro. Nous guetterons d’autres opportunités de nous positionner à l'achat sur les devises du G-10 par rapport au dollar américain si nous décelons davantage de signes montrant un déplacement de la dynamique des Etats-Unis vers le reste du monde.

6. L’INFLATION, MAL PRÉFÉRÉ DES BANQUES CENTRALES

Bien que nos prévisions de base tablent sur une inflation modérée au sein des économies avancées sur notre horizon cyclique, nous pensons qu’à moyen terme les risques se situent davantage à la hausse qu'à la baisse, d’autant que les cours reflètent des prévisions d'inflation très faibles.

En effet, les marchés du travail ont continué à se resserrer et les pressions salariales, bien que toujours très modérées compte tenu du faible niveau de chômage, se sont récemment intensifiées. Si le chômage continue de baisser à mesure que la croissance économique se redresse en cours d'année, les pressions salariales s'intensifieront probablement et les entreprises pourront répercuter plus facilement les augmentations de coûts dès lors que la demande s'affermira.

De plus, une politique budgétaire susceptible de devenir plus expansionniste au fil du temps, conformément à notre point de vue selon lequel « la politique budgétaire est le nouvel outil monétaire », devrait être bénéfique pour la demande nominale, surtout si les banques centrales coopèrent et n’essaient pas de compenser l’assouplissement budgétaire par un resserrement monétaire comme l’a fait la Fed en 2018.

Enfin et surtout, après avoir vainement essayé pendant de nombreuses années de faire baisser l’inflation, presque toutes les grandes banques centrales semblent préférer ce mal qu’elles connaissent bien à la déflation, un mal qu’elles ne connaissent pas. Bien que tout changement résultant d'un examen stratégique - en cours au sein de la Fed et que la BCE entamera prochainement - sera sans doute plus évolutif que révolutionnaire, nous nous attendons à ce que l'objectif d'inflation se situe aux alentours de la moyenne historique aux États-Unis et à 2 %, ou dans une fourchette proche de 2 % dans la zone euro, ce qui implique de facto une plus grande tolérance de deux des plus grandes banques centrales à l'égard d'un dépassement éventuel des seuils d'inflation.

Dans ce contexte, et malgré la reprise attendue de la croissance mondiale cette année, nous constatons que les principales banques centrales préfèrent se montrer attentistes. Elles devraient donc, à l'avenir, réagir plus promptement aux événements justifiant un assouplissement qu'à ceux plaidant en faveur d'un durcissement. Tandis que le malaise face aux taux d’intérêts négatifs augmente en Europe en raison de leurs effets secondaires indésirables, il paraît très improbable que la BCE change son fusil d'épaule sur la durée de notre horizon cyclique, voire bien au-delà.

Implications du thème 6 pour les investissements

Nous pensons nous positionner en vue d'une pentification de la courbe aux États-Unis et dans d'autres pays, une stratégie qui fait du sens au vu des valorisations et de la conjonction de taux courts bridés par les banques centrales – qui hésiteront à resserrer leur politique – et d'anticipations d’inflation en hausse susceptibles de pousser les taux longs vers le haut. Les positions tablant sur une pentification de la courbe devraient également offrir à nos portefeuilles une certaine protection étant donné l’augmentation du déficit et de la dette du gouvernement américain et la possibilité qu’au fil du temps, les marchés exigeront des primes de terme plus importantes en cas de nouvelle détérioration des perspectives budgétaires. Les bons du Trésor américain protégés contre l’inflation (TIPS) semblent attrayants en termes de valorisation et compte tenu de la réticence de la Fed à relever ses taux, même dans un environnement plus robuste. Etant donné la faiblesse des anticipations d’inflation, elle risque de surprendre davantage à la hausse qu'à la baisse surtout au vu du niveau extrêmement bas intégré dans les points morts d’inflation des TIPS.

7. COMPOSER AVEC LA DISRUPTION

Bien que notre scénario économique de base – reprise modérée de la croissance mondiale dans un contexte de politique monétaire et budgétaire favorable – soit relativement optimiste, nous ne sommes pas à l'abri de pics de volatilité causés par les tensions géopolitiques et les politiques domestiques à travers le monde.

Bien qu'une première phase d'accord commercial entre la Chine et les États-Unis soit en cours de préparation, les relations entre les États-Unis, puissance établie, et la Chine, puissance montante, demeurent fragiles et des tensions pourraient facilement à nouveau éclater en cours d'année.

Les élections américaines de novembre seront également au centre des attentions. Les marchés du risque seront très attentifs aux candidats démocrates qui se détacheront durant les primaires.

En outre, la vague de manifestations contre l’establishment politique qui a récemment déferlé sur de nombreuses économies émergentes pourrait s’étendre, d’autant que le potentiel de croissance de bon nombre de ces marchés a diminué, ce qui exacerbe le mécontentement à l’égard des gouvernements et renforce le clivage entre les riches et les pauvres.

Ainsi, comme nous le soulignions dans notre Perspective séculaire 2019, les investisseurs devront s’habituer à « composer avec la disruption » et positionner leurs portefeuilles en conséquence.

Implications du thème 7 pour les investissements et conclusions générales

Si nos perspectives de base pour 2020 semblent positives, nous prenons acte de la diminution des primes de risque suite aux mesures adoptées par les banques centrales et ainsi du peu de protection qu'elles offrent encore en cas de disruption. Nous décelons un certain nombre de risques politiques et géopolitiques en plus d'autres scénarios défavorables tels de mauvaises surprises macroéconomiques, un épuisement des banques centrales et une volatilité croissante. Nous serons particulièrement attentifs à la gestion des liquidités et feront preuve de prudence au moment de calibrer les positions d’investissement et vis-à-vis du crédit générique. Nous chercherons à alléger les positions macros top-down pour garder des munitions en réserve et pouvoir passer à l’offensive en cas de détérioration de l'environnement d'investissement.

Perspectives économiques régionales

ÉTATS-UNIS. RALENTISSEMENT DE LA CROISSANCE SUIVI D’UN ÉVENTUEL REBOND

Bien que l’évolution positive des échanges commerciaux et l'assouplissement de la Fed remettent quelque peu en cause nos anticipations d'une récession probable à court terme, nous continuons de prévoir un ralentissement de la croissance du PIB réel américain, lequel devrait s’établir dans une fourchette de 1,5 % à 2,0 % en 2020, contre un rythme estimé à 2,3 % en 2019. La tendance prévisionnelle pour l'ensemble de l'année masque un ralentissement plus marqué de la croissance à court terme, les effets décalés de la faible croissance mondiale, le manque de visibilité des entreprises et la croissance plus faible des bénéfices continuent de peser sur les investissements et l'embauche des entreprises. Cependant, les mesures prises par le gouvernement et la banque centrale pour assouplir les conditions financières, abaisser les taux et stimuler la croissance devraient finalement contrebalancer le ralentissement, et nous prévoyons une modeste reprise de l’économie américaine au deuxième semestre 2020. Les engagements pris par la Chine dans le cadre de la phase 1 de l'accord commercial d'acheter pour 200 milliards de dollars d'exportations américaines supplémentaires au cours des deux prochaines années devraient également soutenir la croissance au cours du second semestre 2020.

Malgré l’annonce d’une légère réduction des droits de douane sur certains produits chinois, nous nous attendons à ce que l'inflation de base des prix à la consommation augmente légèrement au cours des prochains mois, avant de ralentir à la fin de 2020. Dès lors que les pressions inflationnistes sont gérables et que l’inflation sous-jacente des dépenses de base des ménages restent sous l’objectif de 2 % de la Fed, nous pensons que cette dernière n'est pas prête de relever ses taux en 2020. Elle serait, au contraire, plus encline à procéder à un léger assouplissement étant donné que la croissance américaine ralentira probablement encore un peu au cours des prochains mois et que les risques de récession, bien qu’inférieurs à ce qu’ils étaient en septembre 2019, demeurent élevés en comparaison historique.

ZONE EURO 1 % RESTE LA NORME

La croissance de la zone euro devrait s’accélérer progressivement à la faveur d'une amélioration du contexte commercial mondial et de la persistance de conditions monétaires et budgétaires accommodantes. L’Allemagne, en particulier, devrait connaître une reprise après un épisode de stagnation. Par contre, les signes croissants de contagion de la faiblesse du secteur manufacturier au marché du travail en général et l'incertitude persistante au sujet de la trêve commerciale fragile conclue entre les États-Unis et la Chine limiteront probablement la vigueur de la reprise. Nous tablons sur une croissance d’environ 1,0 % au sein de la zone euro en 2020.

Parallèlement, l’inflation devrait rester faible. Nous constatons que les récentes augmentations salariales ont des répercussions sur l’inflation des services de base. Mais l'inflation des salaires devrait se stabiliser et les entreprises ne vont pas prendre le risque d'augmenter leurs prix dans le contexte actuel de croissance incertaine, autant de raisons qui nous laissent à penser que si hausse il y a, elle devrait être contenue. Bien que la corrélation entre les taux de change et les prix de base se soit atténuée récemment, l’effet différé de la récente dépréciation de la monnaie sur les prix des produits de base pourrait pousser l’inflation de base à la hausse. Globalement, elle devrait s'inscrire autour de 1,0 %.

Nous n’attendons pas de nouvelles mesures de la part de la BCE. Elle devrait maintenir son taux directeur à -0,50 % et poursuivre ses achats nets d’actifs de 20 milliards d’euros par mois à l'horizon concerné. Si un assouplissement supplémentaire s’avère nécessaire, l’accent sera probablement mis sur les indications prospectives, l’assouplissement quantitatif et les opérations de refinancement à long terme (LTRO), étant donné les préoccupations croissantes suscitées par les effets indésirables de taux de plus en plus négatifs.

ROYAUME-UNI LA FIN DU DÉBUT

La sortie du Royaume-Uni de l’UE deviendra officielle le 31 janvier, après quoi les deux parties négocieront sans doute un accord de libre-échange limité portant essentiellement sur les marchandises. Si les négociations commerciales n'aboutissent pas, nous nous attendons à ce que le Royaume-Uni accepte un accord au périmètre très restreint, ce qui reviendrait à prolonger la période de transition, ou conclue des accords parallèles temporaires, ce qui facilitera la transition vers des échanges commerciaux conformes aux règles de l'OMC. Quoi qu'il en soit, nous estimons que le risque que le Royaume-Uni sorte de la période de transition sans accord est faible.

Notre scénario de base prévoit une croissance de 0,75 % à 1,25 % du PIB britannique en 2020, légèrement inférieure à la tendance. L’incertitude quant à la teneur exacte du futur accord commercial entre l’UE et le Royaume-Uni continuera probablement de peser sur les dépenses d’investissement et la confiance des entreprises. En revanche, nous tablons sur une amélioration du commerce mondial et sur un assouplissement budgétaire pour stimuler l’activité, en particulier au second semestre.

En 2020, l’inflation mesurée par l’IPC devrait rester sous l’objectif de 2 % fixé par la Banque d’Angleterre, en partie en raison de la diminution programmée des prix réglementés de l’électricité et de l’énergie. Si la croissance des salaires demeure relativement élevée, elle ne devrait toutefois pas entraîner de hausse significative des prix à la consommation. Nous nous attendons dès lors à ce que la Banque d’Angleterre maintienne son taux directeur inchangé à 0,75 %.

Japan : Une relance budgétaire pour soutenir la croissance au second semestre de 2020

La croissance du PIB devrait ralentir pour s’établir dans une fourchette de 0,25 % à 0,75 % en 2020, contre 0,9 % en 2019. Du fait de l’impact négatif de la hausse de la TVA au quatrième trimestre 2019, la croissance devrait ralentir au premier semestre 2020, avant de se redresser au deuxième semestre, soutenue par un vaste plan de relance budgétaire et une demande intérieure robuste.

L’inflation devrait demeurer contenue (entre 0,25 % et 0,75 %) et l’impact de la hausse de la taxe sur la consommation sera en grande partie neutralisé par la gratuité de l’enseignement préscolaire. Les perspectives de croissance atones devrait également réduire les pressions inflationnistes à court terme.

Au Japon, la politique budgétaire prend le pas sur les considérations monétaires. Le gouvernement a approuvé en décembre une augmentation sensible du budget (2,6 % du PIB au cours des prochaines années), ce qui devrait soutenir la croissance en 2020. Ce stimulus budgétaire sera probablement accru si la croissance mondiale s'avère moins vigoureuse que prévu. Quant à la politique monétaire, dans la mesure où les risques extérieurs s’atténuent, la Banque du Japon devrait maintenir inchangé le taux d’intérêt sur les réserves excédentaires (TIRE). La Banque du Japon a désormais épuisé (quasiment) toutes ses munitions monétaires et les bienfaits d'une baisse du TIRE risquent fort d'être anéantis par ses effets secondaires négatifs.

CHINE MODESTE TRAIN DE MESURES POLITIQUES ET AVANCÉE CONCRÈTE DE L’ACCORD COMMERCIAL

La croissance du PIB devrait ralentir pour s’établir dans une fourchette de 5,0 % à 6,0 % en 2020, contre 6,1 % en 2019. Même si, globalement, elle ne prévoit qu’une baisse marginale des tarifs douaniers, la phase 1 de l’accord commercial est une bonne nouvelle dès lors qu'elle éloigne le spectre d’une nouvelle escalade. Le regain de confiance des entreprises et des consommateurs pourrait juguler le ralentissement de la demande intérieure, le recul des transactions immobilières et la diminution des dépenses d'investissement observés récemment. La politique budgétaire devrait également soutenir la croissance ; nous nous attendons à des dépenses d'infrastructure de l'ordre de 1,0 % du PIB en 2020.

L’inflation des prix à la consommation, qui a récemment dépassé l'objectif de 3,0 % fixé par la banque centrale, devrait rester dans une fourchette de 3,0 % à 4,0 % cette année. La composante alimentaire de l’IPC a été fortement impactée par les prix du porc, ce qui contraint temporairement l’assouplissement monétaire, malgré des prix à la production et une inflation sous-jacente modérés.

La Banque populaire de Chine adopte en effet une position attentiste, désireuse d’ancrer les anticipations d’inflation sur l’horizon cyclique. Tout au plus risque-t-on d'assister à quelques baisses de taux marginales visant à contenir les mouvements du marché. Les conditions de crédit devraient rester relativement contraignantes et les mesures politiques mettront encore du temps à produire leurs effets en raison de l’augmentation des défauts en Chine continentale et du désendettement du système bancaire parallèle. En 2019, les autorités ont eu recours de plus en plus à un taux de change flexible faisant office de stabilisateur automatique. Nous tablons néanmoins sur un yuan stable ou un peu plus fort en 2020 afin de limiter les répercussions des prix à l’importation, un autre élément de l’accord commercial avec les États-Unis.

Growth Outlook 2020 GDP RANGE

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2020 Growth Outlook: Approaching Stall Speed

Are we heading toward a recovery or recession? Andrew Balls, CIO Global Fixed Income, and Joachim Fels, Global Economic Advisor, discuss our global outlook for the global economy and the drivers of the low-growth “window of weakness.”

 
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Le processus d’investissement top-down, bottom-up distinctif de PIMCO est conçu de façon à encourager les idées nouvelles et les points de vue divergents. Notre Forum cyclique trimestrielles formule des analyses sur un horizon d'un an et c'est dans ce cadre que nous positionnons les portefeuilles.

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PIMCO estime que les rendements dépendent de la qualité de la préparation. Le processus d’investissement de PIMCO nous permet d’évaluer continuellement les évolutions des risques et des opportunités, dans le but de créer des solutions novatrices et tournées vers l’avenir pour nos clients.

Mentions Légales

Dans ce contexte, les termes « bon marché » et « cher » se réfèrent à un titre ou une classe d’actif qui est considéré(e) comme nettement sous- ou surévalué(e) par rapport à sa moyenne historique et aux anticipations du gérant. Aucune garantie n’est donnée concernant l’obtention de résultats futurs ou l’obtention de gains ou d’une protection contre des pertes éventuelles grâce à la valorisation d'un titre.

Les performances passées ne constituent pas une garantie ou un indicateur fiable des résultats futurs.

L'investisseur sur le marché obligataire s'expose à certains risques au nombre desquels un risque de marché, de taux, de signature, de crédit, d'inflation et de liquidité. La valeur de la plupart des obligations et stratégies obligataires est affectée par les variations de taux d'intérêt. Les obligations et les stratégies obligataires assorties de sensibilités plus longues ont tendance à être plus sensibles et plus volatiles que celles qui affichent des sensibilités plus courtes. De façon générale, les prix des obligations chutent quand les taux d'intérêt augmentent, un risque renforcé par les contextes de taux d'intérêt bas. La réduction des capacités des contreparties obligataires peut contribuer à un assèchement de la liquidité sur le marché et à une volatilité accrue au niveau des prix. La valeur des investissements obligataires peut être supérieure ou inférieure à leur coût d'achat à la date de cession. La valeur des actions peut baisser en fonction des conditions générales de marché, économiques et sectorielles réelles ou perçues. L'investissement dans des titres libellés en devise étrangère et/ou domiciliés à l'étranger peut entraîner des risques plus élevés en raison des fluctuations de change et des risques économiques et politiques potentiellement plus élevés dans les marchés émergents. Les taux de change peuvent fluctuer sensiblement sur de courtes périodes et réduire les performances d'un portefeuille. Les titres adossés à des crédits hypothécaires ou à des actifs peuvent s’avérer sensibles aux variations de taux d’intérêt ou au risque de remboursement anticipé et, même s’ils sont généralement soutenus par un gouvernement, un organisme public, ou un garant privé, il n’y a aucune assurance que celui-ci pourra respecter ses obligations. Les obligations indexées sur l'inflation (OII) émises par un gouvernement sont des titres à revenu fixe dont la valeur de remboursement est ajustée périodiquement en fonction du taux d'inflation. Les OII perdent de la valeur lorsque les taux d'intérêt réels augmentent. Les Treasury Inflation-Protected Securities (TIPS) sont des OII émises par le gouvernement américain.

Rien ne dit que les stratégies d'investissement porteront leurs fruits dans toutes les conditions de marché ou qu'elles sont adaptées à tout type d'investisseur. Il est conseillé à chaque investisseur d'évaluer sa capacité à investir sur le long terme et plus particulièrement durant les replis boursiers. Il est recommandé aux investisseurs de consulter leur professionnel de l'investissement avant de prendre toute décision en matière d'investissement.

La sensibilité mesure la sensibilité du prix d'une obligation aux taux d'intérêt et s'exprime en années.

Les prévisions, estimations, ainsi que certaines informations contenues dans le présent document s'appuient sur des recherches internes et ne doivent nullement être considérées comme un conseil d'investissement ou une recommandation relative à quelque valeur mobilière, stratégie ou produit d'investissement que ce soit. Rien ne garantit que les résultats seront atteints.

De manière générale, PIMCO fournit des services à des institutions qualifiées, à des intermédiaires financiers et à des investisseurs institutionnels. Les investisseurs individuels doivent contacter leur propre professionnel de la finance pour déterminer les options de placement les plus appropriées à leur situation financière. Ce document contient les opinions du gérant, lesquelles sont sujettes à modification sans notification préalable. Le présent document est distribué à titre d'information uniquement et ne doit nullement être considéré comme un conseil en investissement ou une recommandation relative à quelque valeur mobilière, stratégie ou produit d'investissement que ce soit. Les informations contenues dans ce document proviennent de sources réputées fiables, mais ne sauraient être garanties. Aucune partie de ce document ne peut être reproduite sous quelque forme que ce soit et il ne peut y être fait référence dans aucune autre publication sans permission écrite expresse. PIMCO est une marque d’Allianz Asset Management of America L.P. aux États-Unis et ailleurs. ©2020, PIMCO.