Après avoir maintenu des taux d’intérêt extrêmement bas pendant une décennie, les banques centrales mettent en garde contre les risques grandissants sur les marchés des obligations d'entreprises, où la plupart des investisseurs ont été obligés de se mettre en quête de rendement. On peut déjà observer une réduction des marges de sécurité sur le marché des prêts syndiqués à effet de levier et, dans une moindre mesure, sur celui des prêts directs. À mesure que le cycle du crédit progresse, le surendettement de nombreuses entreprises apparaîtra selon nous au grand jour dans les années à venir et il faudra faire appel à des spécialistes pour recapitaliser les entreprises en difficulté, voire au bord de la faillite. Même si PIMCO adopte une approche prudente en matière d'exposition au crédit, nous décelons des opportunités potentielles dont les investisseurs peuvent tirer parti. Toutefois, compte tenu de l'évolution de la structure du marché, l'investissement dans ces situations requiert une approche différente de celle suivie lors des cycles précédents.

Essor rapide du crédit aux entreprises octroyé par des agents non financiers

Selon presque tous les indicateurs, le volume de crédit accordé aux entreprises flirte avec son sommet historique. L'encours des obligations investment grade et spéculatives, tant aux États-Unis qu'en Europe, atteint des niveaux record, tandis que le capital investi dans la dette non cotée par les fonds de prêts directs et les Business Development Companies (BDC) a atteint de nouveaux sommets.1 Selon les calculs de la Banque des règlements internationaux, la dette des entreprises non financières (en ce compris les prêts bancaires et non bancaires), tel qu'indiqué dans la figure 1, est supérieure au niveau observé au plus fort de la crise financière mondiale, lorsque le PIB des États-Unis avait dévissé, contrairement à l'encours de la dette.2

Les entreprises non financières ne se sont pas désendettées

Les taux d'intérêt bas et un environnement propice à l'emprunt ont encouragé les entreprises à émettre un volume de dette record. Pour assurer le service de la dette, il faut réaliser des bénéfices. Or l'économie américaine ralentit dans le sillage de l'économie mondiale et PIMCO anticipe une « phase de vulnérabilité ». Dans ces conditions, les résultats des entreprises pourraient s'avérer décevants dans l'ensemble. Une contraction des bénéfices, quand bien même elle ne se traduirait pas par une véritable récession économique, mettrait en péril les entreprises surendettées. Si jamais les prêteurs deviennent plus craintifs ou tout simplement moins généreux, l'encours de la dette des entreprises susceptible de nécessiter une restructuration pourrait s'avérer sans précédent.

Il existe de nombreux autres facteurs susceptibles de mettre les entreprises en grande difficulté : les forces disruptives à l'œuvre dans certaines secteurs d'activité, les échanges commerciaux et la technologie, ainsi que les facteurs spécifiques à chaque entreprise. Toutefois, l'évolution de la structure du marché du crédit depuis la crise financière mondiale aura une incidence significative sur la possibilité d'effectuer des investissements opportunistes.

Le segment le mieux noté du marché du crédit aux entreprises n’est plus d'aussi bonne qualité qu’avant. Alors que le marché américain du crédit investment grade est passé de 2 300 milliards de dollars en 2008 à 6 100 milliards de dollars à la fin 2018, la part des émissions notées BBB/Baa est passée de près d'un tiers à près de la moitié. 3 Cela s'explique en partie par la rétrogradation de certaines sociétés financières. Le faible coût de l'endettement y a également contribué en faisant de l'emprunt un moyen plus intéressant d'améliorer le rendement des capitaux propres. Certains émetteurs commencent à adopter un comportement plus favorable aux créanciers (désendettement), ramenés à la raison par d'importantes rétrogradations. Pour d’autres, les synergies issues de fusions-acquisitions financées par la dette risquent de ne pas se matérialiser ou les bénéfices peuvent chuter. Lorsque ces grandes entreprises trébuchent à l'occasion, la structure complexe de leur capital confère une moindre protection aux créanciers. Curieusement, peu de gestionnaires de crédit étudient minutieusement ces grands émetteurs. Malgré ces obstacles, la qualité de leurs actifs sous-jacents pourrait en faire de belles opportunités à des prix très intéressants.

En ce qui concerne les titres les moins bien notés du marché du crédit aux entreprises, la crise financière mondiale a accéléré la tendance séculaire à la désintermédiation, les agents non bancaires assumant une part toujours plus importante du risque de crédit aux entreprises non investment grade, soit directement , soit au moyen d'un placement syndiqué sur le marché des capitaux. Les banques conservent aujourd'hui une part nettement moins importante de la dette qu'elles syndiquent et leur capacité de tenue de marché s'est également amenuisée. Les stocks des négociants ont diminué de 92 % sur le marché américain des obligations à haut rendement depuis la crise financière mondiale,4 tandis que de nombreux prêts ont des volumes de transactions si faibles qu'un ordre portant sur un montant de 1 à 2 millions de dollars peut avoir une incidence sur les cours. La réalité d'un marché du financement par effet de levier financier hypertrophié, conjugué à une offre de liquidités réduite, n'a pas encore été mise à l'épreuve d'un environnement baissier. Une caractéristique essentielle du segment des entreprises de taille intermédiaire est qu’il constitue un terrain de chasse de prédilection pour les fonds de private equity (sponsors), qui cherchent à déployer leurs 1 200  milliards de dollars de « munitions » (capitaux levés mais pas encore investis).5 Les entreprises de taille intermédiaire, qui sont souvent définies comme celles dont le bénéfice avant intérêts, impôts et amortissements (EBITDA) est inférieur à 50 millions de dollars, sont généralement moins diversifiées et institutionnalisées, ce qui les rend plus sujettes à une volatilité de leurs bénéfices.

La tendance à la désintermédiation et à l'essor du crédit non bancaire aux entreprises de taille intermédiaire s’est considérablement accélérée après la crise financière mondiale. Cet essor résulte en partie du fait que les sponsors profitent de la souplesse des clauses restrictives pour endetter davantage les entreprises qu’ils acquièrent. Ces dernières incluent notamment des entreprises peu capitalistiques dans les secteurs de la technologie, des médias et des services aux entreprises, offrant des garanties sous forme de flux de trésorerie plutôt que d'actifs tangibles. De telles situations pourraient entraîner des pertes plus importantes que celles auxquelles les investisseurs en prêts assortis d'un privilège de premier rang sont habitués. Sur le marché plus visible des prêts syndiqués, certaines créances en difficulté depuis peu se négocient désormais à hauteur de 10 ou 20 % de valeur nominale.

À bien des égards, les banques centrales et les autorités de réglementation ont largement atteint leur objectif de disséminer les formes de prêt plus risquées auprès de détenteurs qui ne sont pas considérés comme des institutions financières d'importance systémique (IFIS). Cependant, si les banques ont vu leur part du marché des prêts diminuer, notamment auprès des entreprises de taille intermédiaire, elles ont assumé un nouveau rôle de fournisseur de capitaux d'emprunt aux fonds de prêts directs et aux BDC. Leur prise de risque se situe à un niveau implicite plus élevé dans la structure du capital mais, si la dispersion des taux de recouvrement (à la baisse) s'accentue, leur appétit pour le risque pourrait encore s'avérer procyclique.

Quelles sont les conséquences de ces modifications sur la structure du marché ?

Excès dans le crédit aux ETI

Après la crise financière mondiale, les entreprises de taille intermédiaire ont été une cible privilégiée de la formation de capital dans le crédit privé. Aux États-Unis, la consolidation des banques régionales s'est accélérée, tandis que la sortie de GE Capital du crédit aux entreprises (au moins en partie pour éviter d'être désignée comme une IFIS), a permis aux fonds de prêts directs, aux BDC et, plus récemment, aux véhicules de titrisation de type CLO axés sur les entreprises de taille intermédiaire de s'engouffrer résolument dans la brèche. À mesure que les investisseurs institutionnels se sont lancés dans le crédit direct, dans lequel ils voyaient une forme d’exposition familière offrant des rendements absolus plus élevés, le nombre de prêteurs et leur envergure ont considérablement augmenté. Par ailleurs, avec l'intensification de la concurrence, les prêteurs cherchant à déployer des capitaux ont permis aux entreprises de taille intermédiaire de s'endetter davantage.

Avant la crise financière mondiale, les grandes opérations de LBO constituaient la forme la plus agressive de recours à l'effet de levier. Cette dette était principalement destinée à la syndication, même si les banques ont presque toujours fini par s'exposer, d'où l'introduction de directives en matière d'octroi de prêts à effet de levier en 2013. Les banques étaient notamment invitées à limiter à 6 le ratio dette pro forma/EBITDA.

La figure 2 met en évidence des niveaux moyens d’endettement pro forma records dans les financements sous forme de prêts syndiqués aux États-Unis, les prêts consentis à des emprunteurs de taille intermédiaire étant accordés sur la base de ratios dette/EBITDA plus élevés que ceux observés pour les plus gros emprunteurs, contrairement aux pratiques en vigueur lors du pic de 2007.

Ratios d’endettement pour les opérations de prêt

Ces ratios d’endettement moyens sont basés sur l’EBITDA pro forma communiqué par le sponsor, mais compte tenu de la fréquence des ajustements d’EBITDA ces dernières années (EBITDA ajusté à la hausse, ratio de levier ajusté à la baisse) le tableau s'est obscurci du point de vue des créanciers. Lorsque ces éléments supposés non récurrents sont exclus ou non ajustés, il n’est pas rare d'observer des ratios d’endettement nettement plus élevés que ceux calculés sur une base pro forma. La figure 3 montre que plus de 40 % des financements avec effet de levier font l'objet d'ajustements, l'ajustement moyen atteignant 0,65 x le ratio dette/EBITDA au premier semestre 2019.

Prévalence et ampleur moyenne des ajustements de ratios dette/EBITDA aux États-Unis

Les créanciers prudents reviennent souvent sur les ajustements apportés à l'EBITDA pro forma car les hypothèses qui les sous-tendent, telles que diverses synergies et les éléments non récurrents rajoutés, se révèlent souvent trop optimistes. Une récente analyse de S&P a révélé que, pour les opérations montées en 2016, le levier net réel médian était 2,5 fois plus élevé en 2018 que le niveau indiqué lorsque ces opérations avaient été proposées aux prêteurs. Par conséquent, un ratio dette/EBITDA pro forma de 5 à 6 peut souvent se traduire par un ratio dette/EBITDA non ajusté réel de 7 à 8. Il s'agit d'un multiple de bénéfices sur la base duquel les sponsors ont généralement acquis des entreprises de taille intermédiaire pendant les périodes de moindre appétit pour le risque. On peut donc considérer l'octroi d'un prêt sur la base de ces ratios comme un financement à 100 % de la valeur d’entreprise, typique des périodes de plus grande prudence. Cela n'est pas sans rappeler les prêts immobiliers consentis avant la crise financière mondiale sur la base de ratios prêt/valeur proches de 100 %, en prenant comme référence le résultat net d'exploitation ajusté.

Accessoirement, nous avons observé qu'un emprunteur américain potentiel avait récemment cherché à extrapoler son EBITDA pro forma à partir des trois derniers mois seulement, une période marquée par des effets saisonniers très favorables. Dans un autre cas relevé cette fois en Europe, un sponsor a ajusté l'EBITDA en prenant comme référence le niveau prévu lors des 12 prochains mois au lieu de celui constaté lors des 12 derniers mois. Le sponsor table sur un quasi doublement de l'EBITDA. Par conséquent, le ratio dette/EBITDA non ajusté (12 derniers mois) était proche de 10. Le nouveau sponsor pourrait mettre en œuvre son plan et l'entreprise croître à un rythme cohérent avec son ratio de valorisation mais le nouveau prêteur ne profitera pas de cette hausse et dispose d'une marge de sécurité nettement moins importante.

Ce niveau d'endettement des entreprises de taille intermédiaire n'a jamais été mis à l'épreuve d'un cycle du crédit complet mais, si jamais ces entreprises sont amenées à restructurer leur bilan, les investisseurs auront généralement une moins bonne connaissance de leurs actifs sous-jacents que de ceux des grands émetteurs de prêts à effet de levier. Certains des spécialistes de l'investissement dans les créances en difficulté les plus renommés à l'heure actuelle se sont bâti une réputation en rachetant et en restructurant des prêts consentis par des banques régionales à des entreprises de taille intermédiaire peu connues dans les années 1990 et 2000. Ils étaient soumis à une concurrence moins acharnée, ce qui leur a permis de prendre facilement le contrôle lorsqu'il y avait un seul prêteur ou un groupe restreint de prêteurs. Cependant, un bon nombre de ces spécialistes ont désormais levé une telle quantité de fonds qu’ils se sont naturellement tournés vers le segment des grandes entreprises, où ils peuvent déployer davantage de capitaux. Par conséquent, les entreprises de taille intermédiaire pourraient s'avérer un univers d'investissement relativement inefficace et peu prisé si des opportunités de restructuration se présentent.

Des clauses peu contraignantes

Actuellement, environ 80 à 90 % des prêts à effet de levier syndiqués sont assortis de clauses limitées (« covenant-lite ») ou ne comportent pas toute une série de clauses restrictives, y compris une proportion sans précédent de prêts aux entreprises de taille intermédiaire. .6 Dans ce cas, pourquoi un emprunteur s'adresserait-il à un fonds de prêts directs ou à une BDC ? Le fait d'être en relation avec un seul prêteur est évidemment appréciable pour les emprunteurs, qui évitent ainsi de perdre du temps et de l’argent en faisant la tournée des banques. Mais en définitive, le montant des capitaux d'emprunt disponibles, leur coût et leur flexibilité restent des critères primordiaux. Et le diable se cache dans les détails.

La plupart des prêts comportent une clause restreignant le niveau d'endettement mais l'exploitation plus agressive de la marge de manœuvre prévue par les clauses et les listes d'exceptions ont amenuisé la protection conférée aux emprunteurs par ce type de clauses. Un exemple courant est celui des ajustements opérés pour tenir compte des synergies à chaque fois qu’un sponsor rachète une entreprise qu'il fusionne avec l’entreprise qui a initialement émis la dette. Lorsqu'une banque négocie des clauses restrictives pour le compte d'un syndicat, elle exige généralement que le directeur financier de l'entreprise donne son aval à tout ajustement supérieur à 5 % et qu'un cabinet d'audit approuve tout ajustement supérieur à 10 %. Les prêteurs directs et les BDC détenant eux-mêmes la totalité du prêt ne sont pas obligés d'exiger de telles autorisations et peuvent ainsi offrir à l'emprunteur une plus grande flexibilité. Pour les sponsors qui doivent exécuter un plan stratégique pour améliorer le rendement des capitaux propres, il s’agit d’un aspect important qui peut aider le prêteur à décrocher le contrat de prêt.

Un autre exemple est le passage à un régime d’évaluation ponctuelle du respect des clauses restrictives, uniquement en cas de survenance d’une certaine action de la part de l’emprunteur, ce dernier n'étant alors plus tenu de respecter en permanence les clauses restrictives. Le prêteur peut revendiquer l'existence de clauses restrictives mais la marge de manœuvre considérable laissée à l'emprunteur et/ou le caractère ponctuel de leur application relativisent leur utilité en tant que levier de négociation avec les dirigeants de l'entreprise concernée. Par conséquent, les résultats financiers sont susceptibles de se dégrader davantage avant que le prêteur prenne conscience de la situation et ait la possibilité d'agir.

L'endettement élevé associé à des clauses restrictives peu contraignantes risque d'accroître l'ampleur des pertes sur la dette senior et la dispersion des taux de recouvrement par rapport aux cycles précédents. Cela est d'autant plus vrai que près des trois quarts des structures de capital comportant des prêts syndiqués n'incluent plus de dette subordonnée pour absorber les pertes.7 Le crédit privé, quant à lui, est dominé par les prêts unitranche qui combinent ce qui aurait constitué autrefois de la dette senior, subordonnée ou mezzanine en un seul prêt. Lors des cycles précédents, les hedge funds et les fonds de private equity axés sur les créances en difficulté ont fréquemment investi dans la dette subordonnée, qui était plus souvent considérée comme la pierre angulaire de la structure du capital. À ce titre, ils ont dirigé le processus de restructuration. En l'absence de dette subordonnée, les créanciers de premier rang sont nettement plus susceptibles d'être mis à contribution, si ce n'est d'être les premiers concernés par les restructurations, que lors des cycles précédents.

Mais si ces créanciers préfèrent laisser la restructuration à d’autres, leur liberté de céder ou de réaffecter les prêts a également été restreinte. Aujourd'hui, la documentation des prêts comporte souvent des dispositions qui restreignent leur cession, les ventes à des sociétés réputées pour leur agressivité dans le cadre d'une restructuration étant largement interdites au moyen de l'établissement de « listes noires » aux États-Unis ou de leurs « listes blanches » corollaires en Europe.

Des détenteurs faibles

Les CLO d'arbitrage, les fonds de prêts directs et les BDC sont aujourd'hui les principaux détenteurs de dette senior plus risquée. Il s'agit essentiellement de fonds fermés, ce qui en fait des détenteurs plus solides que les CLO classiques, les hedge funds et les banques, qui sont tenus d'évaluer leurs actifs et leurs passifs au prix du marché. Ces derniers, qui étaient des détenteurs importants avant la crise financière mondiale, avaient dû faire face à des appels de marge et des demandes rachats. Les détenteurs actuels doivent toutefois composer avec leurs propres rigidités, ce qui limite leur aptitude à participer aux restructurations.

CLO. Les structures de capital exclusivement composées de prêts étant prédominantes, les gestionnaires de garanties de CLO se retrouveront presque inévitablement impliqués dans des restructurations. Néanmoins, ces véhicules reposent sur un arbitrage de flux trésorerie entre les prêts qu’ils détiennent et les obligations structurées qu’ils émettent. En conséquence, ils ont une marge de manœuvre limitée pour participer à des échanges de créances contre des participations dans le cadre de restructurations, car le private equity ne produit généralement pas de flux de trésorerie (dividendes). Si des rétrogradations de notes amènent les CLO à dépasser leur plafond habituel de 7,5 % pour les titres de créance notés CCC, ils sont désormais tenus de comptabiliser ces prêts au montant le plus bas entre le prix du marché ou le taux de recouvrement impliqué par la notation. Les CLO se retrouveront ainsi exposés à l'aversion pour le risque des agences de notation ou des participants au marché. Dans un environnement plus baissier, ils pourraient chercher à vendre avant que la dégradation des notes ne déclenche le remboursement « turbo » des tranches senior du CLO et la suppression des commissions sur les tranches subordonnées.

Fonds de prêts directs et BDC. Ces structures ne se préoccupent généralement pas des notes attribuées aux créances d'émetteurs non cotés qu'ils détiennent. Cependant, elles ont généralement recours à des lignes de financement bancaires pour obtenir un effet de levier dans leurs portefeuilles de prêts. Lorsque ces prêts deviennent improductifs, ils ne peuvent plus servir de garantie pour ces lignes de financement, amenuisant ainsi les rendements du portefeuille et la capacité à verser les distributions de revenus élevées offertes par la plupart de ces véhicules. En Europe, les fonds de prêts directs sans effet de levier sont plus courants, même si la pratique consistant à monter des prêts unitranche et à vendre ensuite une participation « first-out » super-senior, généralement à une banque, est similaire en substance et en effet à une ligne de financement. Quelle ironie si les fonds de prêts directs qui ont contribué à la désintermédiation et détiennent ces prêts dans des fonds de type private equity se voyaient obligés de rechercher des liquidités car les responsables de la gestion des risques au sein des banques deviennent nerveux.

Comptes gérés séparément. De nombreux gérants de fonds de prêts directs ont également proposé à leurs clients une exposition par le biais des comptes gérés séparément. En conséquence, les fonds de pension et les compagnies d’assurance peuvent se retrouver à suivre des positions faisant l'objet de longues restructurations, voire détenir du private equity dans leurs allocations aux obligations.

Même si aucun de ces détenteurs ne se retrouvera nécessairement dans l'obligation de vendre, ils pourraient bien y avoir tout intérêt. La réalité commerciale consistant à signaler aux clients les créances douteuses et à consacrer des ressources aux restructurations dans les années à venir incitera probablement de nombreux groupes à prendre leur pertes pour essayer de passer à autre chose. Des ventes de prêts non cotés ont déjà lieu mais elles devraient se multiplier au fil du temps et en période de ralentissement économique.

S'agissant des créances d'émetteurs non cotés, généralement aux mains d'un seul détenteur ou d'un petit groupe de détenteurs, l’approvisionnement en liquidités est un exercice de détermination du prix, les acheteurs potentiels se familiarisant avec la société emprunteuse, ses actifs et sa performance opérationnelle. Plutôt que de se tourner vers les négociants pour obtenir des liquidités, de nombreux détenteurs chercheront sans doute à traiter discrètement de manière bilatérale avec des groupes dont ils savent qu’ils peuvent fournir des liquidités. Ces transactions peuvent impliquer la vente de certains prêts, ainsi que des transferts de risque sur un panier ou tout un portefeuille de prêts. Ces derniers pourraient prendre la forme d'un refinancement de facilités bancaires afin de créer efficacement une exposition super-senior à ces prêts, avec la possibilité de négocier des protections structurelles similaires à celles qui existent dans les opérations de titrisation. Il pourrait également s'agir de ventes effectives de portefeuilles de prêts. Dans un cas comme dans l'autre, le fait de disposer de ressources suffisantes pour analyser un certain nombre de titres d'entreprises se trouvant dans une situation spéciale, notamment celles de taille intermédiaire, limitera le vivier d'acheteurs potentiels.

Non-spécialistes

Par le passé, les services chargés de la restructuration de crédit au sein des banques étaient généralement en sous-effectif pendant les périodes où les cas d'entreprises en difficulté ou au bord de la faillite se multipliaient. Les prêteurs non bancaires, qui sont désormais prépondérants dans le crédit aux entreprises de taille intermédiaire seront probablement confrontés au même dilemme en matière de ressources. Pendant des années, l'accent a été mis sur la prospection et la souscription afin de déployer le capital levé, d'activer les commissions sur le capital investi et de commencer à commercialiser le prochain fonds. Des pertes sur ces véhicules peuvent entraîner une nette diminution des revenus en fonction de caractéristiques structurelles binaires telles que les commissions de gestion des garanties de la tranche subordonnée dans le cas des CLO et des rendements privilégiés dans le cas des fonds de prêts directs. Au moment où ces revenus seront menacés, il est peu probable que ces groupes soient en mesure de recruter les spécialistes de la restructuration dont ils auront besoin.

Les prêteurs initiaux peuvent déclarer qu'ils négocieront âprement avec les emprunteurs, même avec ceux avec lesquels ils ont noué d'excellentes relations pour obtenir l'essentiel de leurs transactions. Mais ces sponsors ont justement assoupli les clauses restrictives pour préserver leur pouvoir de négociation si les entreprises de leur portefeuille n'atteignent pas les objectifs prévus par leur plan stratégique. Les créanciers devront plus que jamais se tenir prêts à défendre activement leurs droits. Pour ce faire, ils pourraient être amenés à proposer leurs propres plans de réorganisation dans le cadre de comités de pilotage, se tenir prêts à satisfaire les nouvelles exigences en matière de fonds, siéger au conseil d’administration et, au bout du compte, être prêt à prendre le contrôle des entreprises. Compte tenu du degré d'implication requis, le nombre de situations auxquelles même un professionnel expérimenté peut consacrer l'attention requise est assez faible.

Conclusion

Les banques centrales et autres institutions officielles remplissent leur rôle macroprudentiel en tirant la sonnette d'alarme sur les conditions de crédit aux entreprises. Les conditions préalables à une augmentation significative de l'encours des créances en difficulté sont évidentes, que les facteurs déclencheurs soient de nature idiosyncrasique, révolutionnaire ou cyclique. Pour les investisseurs disposant des ressources spécialisées et de la flexibilité de mandat requises, les opportunités d'investissement devraient relever de trois catégories :

  1. Créances en difficulté sur le marché secondaire – y compris les titres d'anges déchus et les opérations de rachat de grande envergure, un domaine dans lequel l'ingénierie financière a accentué la vulnérabilité à la volatilité des bénéfices et qui nécessite des restructurations complexes
  2. Recapitalisations d'entreprises de taille intermédiaire (ETI) – il s'agit de restaurer la pérennité des entreprises, soit en restructurant leur dette, soit en réorganisant leur capital de manière plus globale
  3. Opérations de portefeuille – apporter des liquidités aux détenteurs fragiles en conjuguant l'analyse crédit bottom-up et des techniques de structuration

La détermination du prix conjuguée à la complexité et à l'intensité en ressources sont autant d'éléments qui créent une barrière à l'entrée élevée pour la plupart des gérants d'actifs, qui ne devraient toutefois pas dissuader les investisseurs de chercher à déployer des capitaux en profitant de valorisations implicites plus basses et d'un pouvoir de négociation accru. Pour ceux qui sont prêts, la détresse peut être le signe d'une opportunité.



1 Source : BIS, Barclays et S&P LCD, au 31 décembre 2018. Rien ne garantit que les tendances évoquées perdureront.2 Source : BIS, au 23 septembre 2018; Bank of San Francisco, document de travail 2017–25.
3 Source : Bloomberg Barclays U.S. Credit Index, au 31 décembre 2018
4 Source : Credit Suisse, au 31 décembre 2018
5 Source : Preqin, au 31 décembre 2018
6 Source : S&P LCD, au 31 décembre 2018
7 Source : JP Morgan, au 31 mars 2019
L’auteur

Adam Gubner

Portfolio Manager, Distressed Debt

Christian Stracke

President, Global Head of Credit Research

Jamie Weinstein

Gérant de portefeuilles, Head of Corporate Special Situations

Tom Collier

Stratégiste en produits alternatifs

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